We Remember the Little Girls From the Ghettos

 

Une fille et une chanson dans le ghetto de Varsovie

 

Halina Birenbaum, est née à Varsovie, dans la famille Grynsztejn. Elle avait 10 ans en 1939. Elle a survécu au ghetto de Varsovie ; entre mai et juillet 1943 elle a été emprisonnée à Majdanek, puis à Auschwitz-Birkenau, Ravensbrück et Neustadt-Glewe. Elle a perdu son père à Treblinka, sa mère à Majdanek, et ses autres parents à Auschwitz.

 

L'année 1939 approchait à grands pas. J'étais déjà élève en deuxième classe. Mon école était située dans le nouveau bâtiment du jardin Krasiński. Tous les matins, mon frère m’y menait avant d’aller à son école hébraïque Tarbout (culture en hébreu) au 2a, rue Nalewki.

 

En septembre 1939, la rue Nowiniarska a été bombardée et incendiée par les Allemands, le jour le plus solennel dans la tradition juive, Yom Kippour. Les Allemands ont surtout bombardé le quartier juif de Varsovie. Notre maison a brûlé. Les gens mouraient en masse dans les décombres des maisons enflammées par les bombes.

 

Bientôt, les Allemands allaient occuper Varsovie et toute la Pologne. Dans notre vie commençait l’ère noire. Elle devait bientôt engloutir des millions de personnes, y compris mes parents et mes proches.

 

Le ghetto

 

Mes parents ne me permettaient plus de sortir dans la cour, de jouer avec d'autres enfants, de marcher dans les rues. Les gens, enflés par la faim, mouraient sur les trottoirs, arrachaient le pain des mains des passants, mouraient sous les coups, les balles, les épidémies ...

 

Les écoles et les jardins sont restés en dehors des murs du ghetto. Des brocanteurs qui circulaient dans les cours ont été remplacés par des mendiants et des orphelins à la recherche des morceaux jetés, ils étaient décharnés, prématurément vieillis.

 

Les semaines passaient, de plus en plus difficiles, dans les caves et les greniers, dans la peur et l'incertitude constantes, sans nourriture, sans pouvoir se laver, sans pouvoir ôter vêtements et chaussures et toujours prêts  pour le pire : la déportation vers l'est.

J’ai vu la violence, l’impuissance, la faim, la peur, la persécution et la souffrance sans fin. J’ai bien grandi avec mes treize ans.

 

L’insurrection dans le ghetto de Varsovie

 

Pâques, le 19 avril 1943, Leil Haseder - Nuit du Séder, ma mère nous a réveillés rapidement : les Allemands ont encerclé le ghetto, il faut descendre dans le bunker, vite! [...]

Les Allemands n’allaient pas, comme auparavant, de maison en maison, en brisant les portes et en tirant au dehors les Juifs, mais mettaient simplement le feu, maison après maison, rue après rue. Les gens étaient brûlés vifs ou étouffaient de la fumée, les Allemands fusillaient ceux qui s'échappaient ou les conduisaient à Umschlagplatz.

Les bunkers, qui n’étaient pas atteints par le feu, étaient inondés d'eau. [...]

Nous nous évanouissions de faim. [...]

Au-dessus de nous, le feu, les fusillades, les chars, les canons contre la poignée de combattants juifs et nous, cachés dans les caves... [...]

 

J'étais allongée sur le lit, à demi consciente, quand ma maman me tira violemment par le bras : « Habille-toi vite, ils nous ont découvert, ils sont à l'entrée ! »

Comment peut-on mesurer la défaite de l'espérance ? Combien de temps faut-il pour s'en rendre compte et commencer une nouvelle course contre la mort ? Une grenade lancée, une échelle abaissée, des personnages vêtus d'uniformes vert-de-gris et de bottes hautes, nous jettent du coup dans une autre époque : « Heraus alles ! Sortez !

Vous ne risquez rien, vous allez au travail, mais il faut obéir aux ordres ! Schneller ! »

Peut-être que c'est vrai ? ... [...]

 

Début du mois de mai. Des traces de combats dans les rues, des chars blindés, pas une maison dans le ghetto, ils ont même fait sauter les squelettes de bâtiments incendiés, pour que personne n’y puisse se cacher.

 

De l'autre côté du mur quelqu'un joue du piano.

 

La musique comme un guet-apens

 

Far mir bist du sheyn – „tu es belle pour moi” – une chanson ancienne, pleine de charme. Quand je l’ai entendue pour la première fois, je ne connaissais pas encore le yiddish, je ne comprenais pas la langue de mes parents et grands-parents. Je l’ai apprise seulement après et j’ai compris cette chanson. Elle m’a charmée à cause de l’espoir et de la promesse de réussite, même si ma beauté n’était pas parfaite... Elle expliquait brièvement et joyeusement tout le sens de l'amour ! Au fil des années, le souvenir et la signification de cette chanson se sont approfondis en moi.

Et puis, son sens a d’un coup changé !

 

Au cours de la liquidation du ghetto de Varsovie, cette chanson a été utilisée comme un appât pour nous démasquer. Nous cherchions pour nous abriter, dans toute sorte de taudis, n'osant même pas respirer, le temps s’écoulait éternellement, toute une éternité!

Comme les souris cachées dans des souterrains, nous avions peur de notre ombre, tremblant pour notre vie, ne ressemblant plus aux hommes. Et c'est à ce moment que nos persécuteurs ont inventé cette embuscade monstrueuse. Cessant de crier et de tirer, ils ont pris des traîtres leur faisant jouer du violon et de la guitare et de chanter nos chansons préférées...

 

Far mir bist du szejn a fait une irruption brutale dans nos bouges, comme une espérance annonçant peut-être la fin du cauchemar, ou comme un cher souvenir du bon vieux temps, tellement lointain déjà. Maintenant, elle devait nous amener à quitter nos refuges, à les révéler – afin que les meurtriers puissent nous capturer et nous tuer. En s’aidant justement de ces chansons !

 

Il y avait ceux qui ont succombé à la tromperie et qui sont sortis des cachettes, et ils ont été abattus. D'autres sont devenus plus méfiants, ils ont haï tous ces grands naïfs et ces chansons. Ils sont restés dans leur cachettes, tassés, suants, épuisés. Ils prêtaient l’oreille, ils languissaient, ils priaient, se lamentant que même les chansons adorées les plongent dans l’exil jusqu’à la mort et les trahissent !...

 

 

MON PÈRE


Mon père nous lisait de merveilleux chants
Dans de vieux livres
Rempli d’émotion et de solennité
Il nous transmettait leur beauté

Je ne les comprenais pas bien

Mais j’assimilais

L’émotion et l’émerveillement

De mon père

Mon père nous expliquait

La signification des fêtes

Ils nous lisait les légendes sur le sacrifice de Chana

Sur le miracle de Hanoukka
Sur le dévouement sans bornes à la foi -
Je ne comprenais pas très bien
Même la langue de ses
Prières ferventes m’était étrange
Mais j’aimais l’affection de mon Père

L'expression du visage – la lueur dans ses yeux
Quand il lisait ou priait
Jusqu'à présent cette image vit en moi
Quand on a bombardé Varsovie en Septembre
Mon père a presque pleuré dans son impuissance
Notre maison a brûlé alors
Le grand jour du Yom Kippour juif
Nous avons couru dans la rue en flammes
Mon père m’a serré la main très fort
Il me regardait désespérément
Comme pour s’excuser ...

Je me souviens de son regard de ces Jours
Dans le ghetto, il priait plus que jamais
Il cherchait refuge en Dieu
Que plusieurs délaissaient parmi les horreurs
Pour la première fois je l'ai vu pleurer comme un enfant
A la nouvelle de la mort du grand-père à Biała Podlaska
Mon père était alors âgé d’une quarantaine d’années...

Depuis il a prié encore plus – 
Les gens dans le ghetto, enflées par la faim
Mouraient dans les rues – nous avions encore du pain
Nous apprenions encore des leçons clandestines
Avec des livres sauvés des incendies...
Certains théâtres jouaient toujours dans le ghetto
Mon frère aîné a une fois eu des billets
La Princesse Czardas scène Femina 

Mon père ne m’a pas pardonné, il n’a pas pu comprendre
Comment je pouvais aller au théâtre

Quand les cadavres remplissaient les rues !?
Je ne comprenais pas,  je n’écoutais pas sa voix
Maintenant, ses paroles et sa voix résonnent dans mes oreilles –

Mon père disait qu'il ne fallait pas s'opposer aux ordres
Il évoquait ce nom-châtiment terrible : Auschwitz...
Dans sa naïveté il a sous-estimé les plans meurtriers
De l’occupant nazi allemand !
Ma mère était d’avis contraire – 
Mon père aimait les chansons, les prières

Le désespoir contre le terrorisme
Ma mère – la lutte ou l’accord avec le destin
Le Père qui obéissait à Dieu et aux hommes fut tué à Treblinka
La Mère qui luttait et acceptait le destin
Fut tuée et brûlée à Majdanek
Ont-ils jamais vraiment existé? Les avais-je?
Leur image ressort de mes yeux avec leur souffrance
A travers mes yeux Ils sourient, ils pleurent
Ils me conduisent sur toutes mes routes
Ils vivent – jusqu'à ce que mes yeux ne soient fermés pour toujours

 

Halina Birenbaum, 24. 08. 2003

 

 

D’après: Halina Birenbaum, Cyganie mojego dzieciństwa (Les Tziganes de mon enfance), La Vie Comme l'Espoir - Mes Années - Siècle de l'Holocauste, www.zchor.org  Halina Birenbaum, Każdy odzyskany dzień, Kraków, Znak, 1998, p. 127-129.

 

 Traduction : Katarzyna Naliwajek-Mazurek et Zbigniew Naliwajek
Redaction : Catherine Fourcassié et Jean-Yves Potel.

 

 

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Last updated April 29th,  2011

 

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